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Décryptage de l'Arrêté d'application du Décret "Son"

24 mai 2023

Jacky LEVECQ, président du Comité Scientifique d’AGI-SON nous livre son décryptage de l’arrêté du 17 avril 2023 qui apporte certaines précisions sur l’application du décret “Son” en vigueur depuis 2018 (décret 2017-1244 du 7 août 2017).

 

L’association AGI-SON salue l’intégration d’une partie des requêtes portées par le secteur du spectacle vivant musical à la suite d’échanges nourris avec les trois ministères co-signataires (Ministère de la Culture, Ministère de la Santé, Ministère de la Transition écologique) et plus particulièrement au sein du Conseil national du bruit.

 

En 2021, AGI-SON a publié une infographie pour présenter les prescriptions de la nouvelle réglementation. Cet outil, si vous ne l’avez pas encore consulté, vous permettra de prendre connaissance des questions que soulevait le texte à sa sortie et que vous pouvez mettre en regard avec cette lecture de l’Arrêté : 

 

Le texte de l’Arrêté

 

Décryptage :

 

LES ÉCLAIRAGES DE L'ARRÊTÉ

Bien qu'il renseigne les exploitants sur les différentes prescriptions du Décret, l'Arrêté précise tout particulièrement le rôle des agents de contrôle et des bureaux d’études acoustiques (BEA) 

  • Le principe de co-responsabilité

L’Arrêté confirme que nous sommes dans un dispositif de co-responsabilités qu’AGI-SON préconise de contractualiser avec l’ensemble de la chaîne des acteurs concernés (production, organisateur, artiste, prestataire son….)

  • Une réglementation qui concerne tous les types de lieux.

Au regard des niveaux limites de la règle d'égale énergie annexée à l'Arrêté, nous avons la confirmation que tous les concerts de musique amplifiée sont concernés par l'application du Décret "Son" et de cet Arrêté.

 

=> VOLET SANTÉ PUBLIQUE

 

  • Le caractère « habituel » des activités est précisé

« une activité [qui ] se produit sur une durée égale ou supérieure à douze jours calendaires sur douze mois consécutifs ou sur une durée supérieure à 3 jours calendaires sur 30 jours consécutifs »

Attention, si cette définition exclut les festivals, ils sont tout de même tenus de respecter toutes les prescriptions comme précisé à l’Art 1, Grand II du décret et donc de produire une Etude d’Impact des Nuisances Sonores (EINS).

 

  • L'introduction des incertitudes de mesures

L’Art. 2-II : introduit des incertitudes inhérentes aux caractéristiques des appareils utilisés pour les mesures et les incertitudes inhérentes aux conditions de mesurage lors de l’évaluation du respect des niveaux de pression acoustique mentionnés au 1o du II de l’article R. 1336-1 du code de la santé publique.

Les incertitudes métrologiques définies dans les normes d'homologations des matériels de mesures, sont codifiées par une différence tolérée de 1,7 dB entre les sonomètres de classes 1 et 2.

Par ailleurs, il est avéré que les conditions de mesurages peuvent aussi générer des incertitudes très marquées entre lieux clos et plein air. Cela va dépendre des systèmes de diffusion, de la configuration du lieu, des interférences constructives ou destructives dûes aux configurations de Subs, et pour le plein air, des conditions météorologiques qui peuvent présenter des écarts d'émergences très conséquentes dans les basses fréquences chez les riverains de 20 dB à 63 Hz !

 

  • Les modalités de mesures pour les agents en charge du contrôle (Art 1 et 2) sont précisées.

Mais aucun article ne précise la méthode de mesure des niveaux sonores pour l’exploitant.

 

  • Intégration des fonctions de transfert

Il est fait mention à l’Article 3 concernant l’enregistrement que :

« Par les modalités de son installation, le dispositif enregistre les niveaux de pression acoustique de façon à refléter l’exposition du public. (…). 

Dans sa lecture du Décret "Son", AGI-SON préconise au secteur du spectacle vivant musical, de réaliser une moyenne spatio-temporelle sur l'audience et de procéder à des fonctions de transferts des valeurs en dBA et en dBC (ou Offset) vers la console façade. Cette action a pour objectif d'intégrer le respect des valeurs maximums et "en tout endroit accessible au public" exigée par le décret.

Par conséquent, il faut donc aussi intégrer les fonctions de transfert dans l'installation du dispositif d'enregistrement des niveaux sonores.

 

“(...) Les réglages peuvent comporter des fonctions de transfert entre le niveau sonore moyen dans les zones d’exposition du public et le niveau sonore mesuré par le microphone du limiteur (ou de l’afficheur – enregistreur). »

Si le dispositif d’enregistrement doit refléter l’exposition du public, AGI-SON recommande que les réglages du spectacle vivant musical comportent systématiquement (plutôt que “doivent” comme indiqué dans l’Arrêté) des fonctions de transfert, d’autant que « la vérification de la fonction de transfert » est explicitement demandée au II de l’article 4.
Il est également important de souligner, qu’il n’y a pas une mais deux fonctions de transferts : une en dBA et une en dBC.

 

Au II du même article, il est précisé qu’une attestation « comporte au moins les éléments suivants :

– l’identité de l’établissement ;
– l’identité et les coordonnés du professionnel ayant réalisé la vérification ;
– la date de réalisation de la vérification ;
– la date de la prochaine vérification ;
– les caractéristiques techniques de l’enregistreur et les incertitudes prises en compte pour le réglage de l’appareil, en particulier la vérification de la fonction de transfert ; (…)
– les dysfonctionnements éventuellement constatés et les dispositions mises en œuvre pour y remédier le cas échéant ;
– le mode de stockage par l’enregistreur des enregistrements réalisés les six mois précédant le contrôle et l’accessibilité des données stockées pour les agents de contrôle. » 
 

A noter que bien qu'ils fassent l'objet de deux chapitres différents, les dispositifs d'enregistrements et d'affichages sont généralement intégrés ensemble dans un même outil de gestion sonore usuellement dénommé “afficheur/enregistreur”.

Il faut également relever qu’aucune méthode ni procédure ni algorithme de calcul n'est définie pour le calcul des fonctions de transfert. Ces précisions seront prochainement énoncées dans le Guide des sons amplifiés du CidB ou, peut être, via une instruction interministérielle. AGI-SON vous en tiendra informé dans sa newsletter.

  • La localisation du dispositif d’enregistrement des niveaux sonores (en dBA et en dBC) est précisée :

« de façon à refléter l’exposition du public. L’emplacement précis du dispositif d’enregistrement ainsi que l’ensemble des réglages associés à chaque enregistrement sont consignés et tenus à la disposition des agents chargés des contrôles, y compris si le dispositif d’enregistrement est déplacé d’une activité à l’autre » (Art 3)

 

  • Le dispositif d’enregistrement des niveaux sonores est soumis à une vérification périodique  (Art 3). Il en est de même pour l’afficheur.

 

=> VOLET ENVIRONNEMENTAL

  • L’Etude d'Impact des Nuisances Sonores (EINS) conditionne la délivrance de l’autorisation d’occupation temporaire

Article 5 – II : « L’EINS est réalisée préalablement à l’événement ou au démarrage de l’activité. Elle évalue les facteurs qui peuvent influencer la dispersion des sons et indique les moyens à mettre en œuvre dans les conditions normalement prévisibles du déroulement de l’activité. »

 

L’EINS demandée est prédictive, c'est-à-dire qu’elle vise à évaluer les moyens à mettre en œuvre. Nous ne sommes donc pas dans le cadre d'une demande stricte de résultats.

 

  • Précision quant au contenu de l’EINS qui sera gérée par les BEA

Article 5 – III : Liste les obligations minimales de l’EINS, dont :

« – une description des principales solutions permettant de prévenir les nuisances sonores pour les riverains  »

 

Ce point relève essentiellement de la configuration du système de sonorisation retenu (directivité) et /ou de l’orientation des scènes qui ne relèvent pas de la compétence actuelle des bureaux d’études acoustiques (BEA).

Ce sont de nouvelles habitudes de travail à instaurer aussi bien du côté de notre secteur que de celui des BEA. Un dialogue et une collaboration étroite sont indispensables.

 

De nombreux points énoncés de l’article 5 relèvent essentiellement de la configuration du système de sonorisation retenu (directivité) et /ou de l’orientation des scènes. Pour les festivals de plein air, en particulier les grands formats, cela implique la nécessité d’une totale coordination entre les BEA, les caleurs systèmes et les prestataires. C’est d’ailleurs un des enjeux de l’expérimentation sonore qu’AGI-SON mène actuellement sur le festival Marsatac.

 

LES PRÉCISIONS MANQUANTES DANS L'ARRÊTÉ

=> VOLET ENVIRONNEMENTAL

  • La quantification des incertitudes de mesures 

Les appareils de mesures et les mesures dépendent de différents paramètres (les modes, la météo, l’architecture, etc.) qui ont des conséquences sur les niveaux en fonction du moment et du matériel.

 

  •  Des précisions pour la mise en œuvre des Etudes d'Impact des Nuisances Sonores (EINS) pour les festivals

Notre secteur d'activité va avoir besoin d’un accompagnement dans la définition du cahier des charges de l’EINS pour le plein air. AGI-SON va y travailler.



 

L’expérimentation sonore menée sur le festival Marsatac

L’ouverture de la saison des festivals nous rappelle néanmoins que les défis pour la mise en conformité de nos lieux et évènements restent nombreux et qu’ils sont autant de chantiers à mener pour les relever. 

L’expérimentation nationale de la gestion sonore des festivals de plein air dans laquelle Marsatac, le SMA - Syndicat des Musiques Actuelles, le PRODISS, le SYNPASE, la FNCC et les membres d’AGI-SON ont souhaité s’engager, montre que le parcours pour la mise en application du Décret Son ne pourra se faire qu’avec une évolution systémique de nos habitudes de travail et par étapes, avec de l’accompagnement, des investissements financiers, de l’innovation technologique et un complément de formation pour nos professionnels.

 

A travers AGI-SON, les professionnels souhaitent réitérer leur volonté de s’inscrire dans une démarche volontaire et responsable pour concilier la qualité de l’expérience sonore du spectateur et le respect de l’environnement.

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